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De la pierre à la maitrise d’œuvre
Au moyen âge, appareilleur, architecte et maitre d’œuvre ne sont qu’un, c’est le magister latomus ou latomorum, c’est-à-dire le maitre maçon. Cette concentration des fonctions perdurera jusqu’à la Renaissance .
Philbert de l’Orme (1514-1570) sera l’un des derniers maitres maçons et l’un des premiers architectes comme le célèbre sculpteur Jean Goujeon (1510– 1570), dénommé dans les documents de l’époque « ymaginier », « architecte » ou « tailleur de pierre », ce qui était à cette époque une évidence, ne l’est pas dans notre siècle.
J’ai suivi ce même cheminement des savoirs faire, du tailleur de pierre au maitre d’œuvre, ce qui m’a valu beaucoup d’obstacles et d’abnégation, mais, enfin, au bout de quelques années de dur labeur, j’obtiens la reconnaissance de mes ‘pères’, des administrations, des architectes, des maitres d’ouvrage…
À partir du XVIIe siècle , le maitre tailleur de pierre, maçon, devient entrepreneur, mais mon rôle d’appareilleur et mes expériences acquises me permettent de dresser des plans, a la planche ou avec l’aide de l’informatique a travers les logiciels de dessin en 2D et 3D, de faire des épures (dessin à l’échelle 1). Il m’appartient de réaliser les plans d’appareils et les autres dessins d’exécution, d’organiser la taille et de suivre la mise en œuvre, mon travail se situe toujours à la charnière entre le travail de conception et celui d’exécution.
«C’est à moi que revient la charge de traduire le projet soumis par le maitre d’ouvrage, le maitre d’œuvre, l’architecte ou moi-même, en termes techniques directement mobilisables dans la pratique.»
Mon poste d’appareilleur nécessite, en plus d’être un bon tailleur de pierre, de devoir posséder une maitrise de la géométrie plane et descriptive ainsi que de la coupe des pierres.
Ma connaissance sur les pierres et leurs différentes caractéristiques techniques utilisées dans ma région ou pas, me permettent de prescrire celle-ci en fonction de leur rôle et emplacement.
Je conçois, je dessine, prévois, organise, coordonne, conduis et contrôle les travaux depuis la taille jusqu’à la mise en œuvre, c’est l’aboutissement de mon métier, de mon parcours professionnel.
Ce poste me fait intervenir pendant la phase d’étude, j’établis ce que l’on appelle le calepin d’appareil, plan d’exécutions à l’échelle réduite qui porte toutes les indications permettant d’établir les feuilles de débit, d’assemblage des pierres, leur sens, leur sens de pose, leur emplacement des ouvrages courants, de tracer les épures, et réaliser la taille -calepin de taille – calepin de pose.
J’interviens durant les phases d’exécution, je suis l’évolution de la taille des pierres à l’atelier, le tracé, le temps de taille, j’effectue aussi la vérification des pierres qui sont terminées et leur mise en œuvre directement sur le chantier.
Sur le calepin d’appareil sont inscrits sur chaque pierre, de gauche à droite, des chiffres ou des lettres appellés numéro d’appareil.
Ces numéros seront ensuite reportées sur la pierre de façon à situer la place que celle-ci doit occuper dans l’édifice.
Les pierres du socle ou soubassement, qui sont très souvent taillées en carrière, sont marquées de la lettre S suivie d’un chiffre , soit S1 pour le module placé à gauche de l’édifice, puis S2, S3 etc.….en continuant vers la droite.
Les assises placées entre deux baies, que l’on nomme meneau ou trumeau, sont aussi marquées à partir du bas.
Lorsqu’elles sont composées d’une seule pierre, on indique le numéro de trumeau ou de meneau et au dessus le numéro de l’assise.
Lorsqu’elles sont formées de plusieurs pierres , on inscrit sur une première ligne un chiffre indiquant le numéro de trumeau, puis un trait, un second chiffre suivant la place qu’il occupe dans le trumeau, et en dessous, un chiffre indiquant le numéro d’assises.
Dans un trumeau , on doit poser deux blocs pour obtenir l’épaisseur d’un mur.
Celui qui est situé vers l’intérieur, est marqué ‘bis’ avec les mêmes marques d’appareils que celui qui est posé sur la façade.